Aller au contenu

Page:Archives parlementaires de 1787 à 1860, Première Série, Tome VIII.djvu/149

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ce qu'elles doivent à leur Roi ; jamais elles n'ou- blieront cette alliance naturelle du trône et du peuple contre les diverses aristocraties, dont le pouvoir ne saurait s'établir que sur la ruine de l'autorité royale et de la félicité publique. Le peuple français, qui se fit gloire, dans tous les temps, de chérir ses rois, sera toujours prêt à verser son sang et à prodiguer ses biens pour soutenir les vrais principes de la monarchie. Dès le premier instant où les instructions que ses dé- putés ont reçues leur permettront de porter un vœu national, vous jugerez, Sire, si les représen- tants de vos communes ne seront pas les plus empressés de vos sujets à maintenir les droits, l'honneur et la dignité du trône, à consolider les engagements publies, et à rétablir le crédit de la nation; vous reconnaîtrez aussi qu'ils ne seront pas moins justes envers leurs concitoyens de toutes les classes que dévoués à Votre Majesté. »

Voici la réponse du Roi :

« Je reçois avec satisfaction le3 témoignages de dévouement à ma personne et d'attachement à la monarchie des représentants du tiers-étal de mon royaume.

« Tous les ordres de l'Etat ont un droit égal à mes bontés; vous devez compter sur ma protec- tion et sur ma bienveillance.

« Je vous recommande, par-dessus tout, de se- conder promptement, et avec un esprit de sagesse et de paix, l'accomplissement du bien que je suis impatient de faire a mes peuples, et qu'ils atten- dent avec confiance de mes sentiments pour eux. »

L'Assemblée décide que l'adresse et la réponse du Roi seront imprimées.

La députation envoyée vers le clergé et la no- blesse rentre.

II. figuier rend compte de sa mission. Il instruit l'Assemblée que le président du clergé a répondu que son ordre était sensible à l'attention de MM. du tiers-état, et qu'il pouvait compter sur l'attachement du clergé; que la réponse du pré- sident de la noblesse était que la Chambre priait de laisser copie de l'arrêté, et de donner les noms des députés.

On reprenait la lecture du règlement, lorsqu'une seconde députation du clergé est introduite. M. l'ôvêque de Nîmes fait lecture de la délibéra- tion suivante :

« Les membres du clergé assemblés, profon- dément touchés de la misère des peuples et delà cherté des grains qui affligent les différentes pro- vinces, croient ne pouvoir mieux se conformer aux vues paternelles de Sa Majesté, mieux rem- plir leurs devoirs les plus chers, que de s'empres- ser de nommer une commission composée des différents députés des gouvernements et princi- pales divisions du royaume, pour prendre en considération un objet si essentiel, sur lequel ils profiteront de tous les mémoires qui leur seront remis; et d'inviter les deux autres ordres à s'oc- cuper également du même objet, pour vérifier les différentes causes de la cherté du pain, aviser aux remèdes les plus prompts que l'on pourrait y apporter en rétablissant la confiance et la maintenant ensuite, et en assurant, par les me- sures les plus sages et les plus dignes de l'appro- bation de Sa Majesté, la subsistance de ses sujets dans toutes les parties du royaume. >

M. le Doyen répond :

« Le vœu le plus ardent des représentants du

peuple est de venir à son secours. L'arrêté du clergé les autorise à croire que cet ordre partage leur impatience à cet égard, et qu'il ne se refusera pas plus longtemps à une réunion sans laquelle les malheurs publics ne peuvent qu'augmenter. » Après que les députés du clergé sont retirés, on fait une seconde lecture de leur délibération : elle produit de grands mouvements dans l'Assem- blée.

Un membre. Je pense que l'on ne peut déli- bérer qu'après que Von sera constitué.

M. Garât. Il est instant de prendre en déli- bération la proposition du clergé, de peur qu'on ne taxât de tiédeur le peu d'attention que l'on y donnera.

M. Populus. J'entrevois dans la proposition du clergé un coup de politique ; plus on l'examine et plus elle paraît insidieuse. J'y vois deux motifs : le premier, de mettre le peuple de son côté; le second, de détourner l'Assemblée de sa résolution à se constituer. Il semble par là qu'il y ait un égal danger à l'accepter ou à la rejeter; si elle est reietée, d'un côté, ce refus sera présenté au Roi d'une manière défavorable à l'Assemblée ; de l'autre, on imputera aux députés des communes les malheurs que la disette occasionne, on les ac- cusera d'être insensibles à la misère publique ; ils perdront la confiance du peuple, et avec elle les moyens de le secourir. Si la proposition est acceptée , l'Assemblée ne peut plus s'occuper de la constitution aussi promptement que les circonstances l'exigent; et de nouveaux délais à cet égard peuvent avoir des suites également fu- nestes et irréparables. L'astuce est adroite; on re- connaît là le clergé. Depuis plus de huit cents ans, il a toujours tenu la même conduite.

Il faut donc, préalablement à toute délibéra- tion sur celle du clergé, le sommer, dans la salle des Etats généraux, de se réunir aux communes.

Un membre. 11 faut dénoncer au Roi la con- duite du clergé comme séditieuse.

M... Il faut rappeler le clergé aux principes primitifs de l'église; les anciens canons portent que l'on pourra vendre les vases sacrés pour sou- lager les pauvres; mais il n'est pas besoin d'en venir à une si triste ressource ; il faut engager les ecclésiastiques, les évêques à renoncer à ce luxe qui offense la modestie chrétienne, à renon- cer aux carosses, aux chevaux, à vendre enfin, s'il le faut, un quart des biens ecclésiastiques.

La motion de M. Populus est appuyée par M. Malouet. L'Assemblée allait prendre une dé- cision lorsqu'on annonce une députation de la noblesse, composée de MM. le marquis de Bou- thilier, le comte Charles de Lameth, le duc de Caylus, le duc de Castries, le marquis de Fournetz, le vicomte de Mirabeau. Elle est introduite.

M. de Bouthilier lit la déclaration suivante : «L'ordre de la noblesse, aussi empressé à donner au Roi des témoignages de son amour, de son respect et de sa confiance dans ses vertus paternelles, que de prouver à la nation entière le désir d'une conciliation prompte et durable : et fidèle en même temps aux principes dont il n'a jamais cru devoir s'écarter, reçoit, avec la reconnaissance la plus respectueuse, les ouver- tures que Sa Majesté a bien voulu lui faire com- muniquer par ses ministres. En conséquence, sans adopter quelques principes du préambule, il