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LE LIEUTENANT MARQUISET.

ligence s’était vouée au service des plus nobles causes ; son cœur, d’une exquise sensibilité, avait donné et ressenti les joies profondes de l’amitié et des affections de famille. Sa main s’ouvrait largement à toutes les misères, et, bonté plus rare peut-être, il tenait à faire plaisir autant qu’à obliger ; il savait deviner un désir aussi bien qu’un chagrin et s’empressait de consoler l’un comme de satisfaire l’autre.

Quelques jours après sa mort, son collègue Noirot, l’ancien sous-secrétaire d’État, disait encore au conseil général de la Haute-Saône : « Partout où il a vécu, on l’aimait. Jamais humeur plus égale, nature plus charmante, mandataire plus dévoué, camarade plus tendre et plus fidèle. Il avait résolu ce problème de rester pendant quinze ans au premier rang des luttes politiques sans se faire un seul ennemi, tant l’élévation des sentiments et l’esprit de tolérance excluaient chez lui la raideur de l’homme de parti. »

Aussi aura-t-il beau changer de maître, il vivra toujours par le souvenir de son hospitalité, ce vieux prieuré de Fontaine, demeure familiale si bien consacrée par lui au culte du beau et à la large pratique de cette courtoisie franc-comtoise, qui demeure la plus cordiale de France. Tous les artistes l’ont bien connue[1], et aussi les poètes. J’en atteste ces strophes reconnaissantes de Grandmougin ; elles sont d’une vérité qui charme sans lasser une seconde lecture :

Dans votre manoir gris, quand s’approche l’hiver,
Il est doux de s’asseoir près de la cheminée,
Et d’y passer un livre à la main la journée
Au pétillement d’un feu clair !

Parfois quand je suis las, par les vitres bien closes
Je tourne vers le vieux jardin des yeux pensifs,
Et mon regard s’attache aux rouilles des massifs
Comme au dernier éclat des roses.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

  1. À leur tête on voyait surtout le maître Jean Gigoux, Mouilleron et le comte André Mniszech, un maître volontairement inconnu, qui n’a point dédaigné de peindre tous les orphéonistes de Fontaine.