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LE LIEUTENANT MARQUISET.

était appréciée et désirée ; les dames elles-mêmes acceptaient avec bonheur les invitations du célibataire, et tous ces hôtes d’un jour emportaient, comme les intimes, l’impression ineffaçable de leur séjour à Fontaine.

Les jouissances intellectuelles n’empêchaient point leur hôte de cultiver ses terres, d’y expérimenter les méthodes nouvelles avec les instruments perfectionnés[1], de présider des comices agricoles, d’inspecter les écoles, répandant partout sans bruit aucun la bienfaisante et séduisante action de son savoir en toutes choses.

Lorsque les premiers souffles de guerre vinrent flotter dans l’air des dernières années de l’Empire, on jugea bon d’encourager la formation de quelques compagnies de francs-tireurs. On les vit défiler pour la première fois en petit nombre aux fêtes de Nancy lors du voyage du souverain. Marquiset fut un des plus ardents promoteurs de ces associations dans lesquelles il voyait le premier germe d’une institution nécessaire à la France. Après la fatale déclaration de guerre, et bien qu’il eût passé la quarantaine, il s’enrôla des premiers et fut nommé lieutenant du bataillon des francs-tireurs de la Haute-Saône. Ce n’était point pour servir Napoléon III, car son cœur était resté fidèle aux convictions républicaines de sa jeunesse, mais la défense de son pays n’admettait point de restrictions politiques.

Quelque temps avant le désastre de Sedan, j’admirais dans un journal illustré un dessin représentant une colonne prussienne en péril dans un défilé des Vosges sous le feu plongeant des francs-tireurs embusqués sous les sapins des crêtes. J’aurais dû me défier cependant. À mon retour de Metz, j’avais trouvé déjà le chroniqueur Amédée Achard en flagrant délit d’invention à deux reprises : la première fois, dans le récit du prétendu suicide du général Douay ; la seconde, dans la relation d’un témoin caché sous les voûtes légendaires des carrières de Jaumont et voyant tomber, tête en bas dans le vide,

  1. Le départ subit d’un fermier l’ayant mis dans l’embarras à l’heure du labour, on vit la besogne faite spontanément en un jour, par les cultivateurs réunis du voisinage. Une telle assistance en dit long sur la popularité qu’il avait conquise.