Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 1.djvu/235

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niale, devisant avec Bayon de Libertas, en présence du discret Toussaint, sur les événemens de l’époque, laissa échapper quelques paroles ayant trait à ce projet de soulèvement d’esclaves. Trop perspicace pour ne pas entrevoir tout d’abord les chances d’avenir pour sa classe dans une insurrection générale, Toussaint hasarda quelques mots approbateurs du plan projeté, et ajouta que la seule promesse de la franchise de trois jours par semaine et l’abolition de la peine du fouet suffiraient pour soulever les ateliers ; mais aussi, il demanda la liberté des principaux esclaves qui réussiraient à faire agir les autres, pour prix de leur soumission aux volontés bienveillantes de ceux qui daigneraient s’occuper de leur bien-être. Sur l’attestation de Bayon de Libertas, Toussaint obtint la confiance du comité qui lui procura de Blanchelande un sauf-conduit pour le mettre à l’abri de toutes poursuites ultérieures.

» Toussaint fit choix de ses plus intimes amis, Jean-François Papillon, Georges Biassou, Boukman Dutty et Jeannot Bullet. Les conjurés se réunirent et se distribuèrent les rôles. Plus rusé que les autres, Jean-François obtint le premier rang, Biassou le second ; et Boukman et Jeannot, plus audacieux, se chargèrent de diriger les premiers mouvemens. Toussaint se réserva le rôle d’intermédiaire entre les conjurés et les moteurs secrets de l’insurrection : il ne voulait d’ailleurs se prononcer que lorsqu’il pourrait être assuré du succès de l’entreprise. On fabriqua une fausse gazette qui rapportait que le roi et l’assemblée nationale avaient accordé aux esclaves trois jours par semaine et l’abolition de la peine du fouet ; mais que l’assemblée coloniale et les petits blancs ne voulaient pas exécuter cette loi de la France. Un jeune homme