Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 1.djvu/249

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fait, remarque que Gros cite lui-même beaucoup de nègres dont il avait reçu des témoignages d’une grande humanité ; il dit : « qu’à la honte des blancs qui n’avaient su réprimer aucun meurtre, les chefs des noirs punirent le principal coupable. »


Les membres de la nouvelle assemblée, qui avait repris le titre d’assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, et ceux de l’assemblée provinciale du Nord étaient tellement animés contre l’assemblée constituante, par rapport au décret du 15 mai, qui ne favorisait cependant que le sixième de la population de couleur[1], qu’ils abandonnèrent alors la cocarde nationale tricolore pour adopter la cocarde noire, en faisant porter aux troupes blanches des cocardes blanches, jaunes et vertes, signes de l’aristocratie française qui, en ce temps-là, essayait en France de replacer la royauté dans les conditions de l’ancien régime : circonstance qui peut, jusqu’à un certain point, expliquer la coïncidence du soulèvement des noirs, attribué à Blanchelande et aux autres contre-révolutionnaires, dans le but d’opérer aussi à Saint-Domingue la contre-révolution.

La formation de deux régimens fut décrétée pour la colonie. Les drapeaux de ces troupes devaient être, — le premier, blanc, avec des cravates blanches, noires et rouges, ayant une salamandre au milieu, avec ces mots : Je vis dans le feu. Le second drapeau devait être noir, rouge et blanc, avec des cravates blanches, ayant un phénix dans

  1. Le colon Page affirma aux Débats (tome 1er, page 261) que le décret du 15 mai ne devait profiter qu’au vingtième de la population de couleur, à quatre ou cinq cents. Sur une population de 40,000 âmes, les colons trouvaient que c’était encore trop ! Tout ou rien semble avoir été leur vœu : que leur a donné la Providence ? Rien !