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au corps de garde qu’il occupait ; mais il ne quitte ce poste qu’au jour, pour rejoindre Bauvais à la Croix-des-Bouquets.

L’incendie du corps de garde isolé, qui ne se communique à aucune autre maison, fournit peut-être l’idée à la troupe de Praloto, composée de tous les mauvais sujets de la populace blanche, de mettre le feu, à dix heures du matin, à plusieurs maisons du quartier du commerce (principalement celles des négocians de Bordeaux) et à quelques maisons du Morne-à-Tuf qui en est fort éloigné. Ces brigands, tous blancs, pillent et dévalisent les habitans de toutes couleurs.

Les corps constitués, la municipalité et l’assemblée provinciale, sont forcés de se réfugier dans les casernes des troupes régulières. La population blanche se trouve ainsi punie de sa perfidie. Vingt-sept îlets de la ville, dans le quartier le plus commerçant, deviennent la proie des flammes.

Dans cette horrible confusion, les pilleurs ne se bornent pas à prendre le bien des habitans ; ils assassinent tous les hommes, toutes les femmes de couleur ou noires qu’ils rencontrent dans les rues. L’infâme Larousse voit l’une de ces femmes (Mme Beaulieu) enceinte de huit mois ; d’un coup de fusil, il la tue et blesse sa mère. Elles étaient à leur fenêtre ; le monstre pénètre dans l’appartement, ouvre le ventre de Mme Beaulieu, arrache l’enfant de son sein et le jette dans les flammes[1] !…

En vain voudrait-on dire que les blancs du Port-au-Prince étaient dominés par la troupe de Praloto. Cette troupe d’assassins était sans cesse poussée aux crimes les

  1. Débats, tome 3, page 150.