Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 1.djvu/55

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dant ils participent à cette iniquité, puisqu’il ne se sont point encore retirés dans les déserts… La société humaine a montré de tout temps, et montrera toujours la violence des hommes puissants et la soumission des faibles… »

À la bonne heure ! Voilà la loi du plus fort clairement exprimée et proclamée. Mais un de ces philosophes avait déjà dit :

« Si je ne considérais que la force, et l’effet qui en dérive, je dirais : Tant qu’un peuple est contraint d’obéir et qu’il obéit, il fait bien ; mais sitôt qu’il peut secouer le joug et qu’il le secoue, il fait encore mieux : car, recouvrant sa liberté par le même droit qui la lui a ravie, ou il est fondé à la reprendre, ou l’on ne l’était point à la lui ôter. »

Un autre, contemporain d’Hilliard d’Auberteuil, avait annoncé ensuite, en ces termes, l’avénement d’un nouveau Spartacus parmi ces nègres courbés sous le joug :

« Nations de l’Europe… Vos esclaves n’ont besoin ni de votre générosité, ni de vos conseils, pour briser le joug sacrilége qui les opprime. La nature parle plus haut que la philosophie et que l’intérêt. Déjà se sont établies deux colonies de nègres fugitifs, que les traités et la force mettent à l’abri de vos attentats. Ces éclairs annoncent la foudre ; et il ne manque aux nègres qu’un chef assez courageux pour les conduire à la vengeance et au carnage. Où est-il, ce grand homme, que la nature doit à ses enfans vexés, opprimés, tourmentés ? Où est-il ? Il paraîtra, n’en doutons point, il se montrera, il lèvera l’étendard sacré de la liberté. Ce signal vénérable rassemblera autour de lui les compagnons de son infortune. Plus impétueux que les tor-