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officiels, que le gouvernement royal a aggravé la condition des affranchis, et par conséquent celle des esclaves ; car si l’on ne voulait pas favoriser les premiers, c’était pour pouvoir river encore plus les fers des autres. Mais, il est avéré aussi, d’après le témoignage d’Hilliard d’Auberteuil, que les créoles blancs résidans en France, y poursuivaient les hommes de couleur de leur haine et de leurs préjugés. Au commencement de la révolution, les colons n’ont que trop redoublé d’intrigues pour égarer l’opinion publique qui s’y montrait favorable à l’émancipation politique de cette classe. C’est donc à ces colons, créoles ou Européens, devenus riches et puissans, enorgueillis de leur position sociale dans ces contrées où la main de l’esclave faisait fructifier les terres, que l’Africain et ses descendans ont dû leur avilissement.

Que les colons français aient trouvé l’esclavage établi en fait à Saint-Domingue déjà colonisé par les Espagnols, c’est ce que personne ne révoque en doute. Qu’ils aient profité de ce fait accompli, qu’ils l’aient maintenu et empiré, étant guidés par l’intérêt et la cupidité, c’est, ce que personne ne peut non plus contester.

Moreau de Saint-Méry, qui, dans son précieux ouvrage sur Saint-Domingue, a compati plus d’une fois au sort des esclaves et des affranchis, et qui s’est plu à citer des faits honorables pour les uns et pour les autres, dit aussi :

« La première observation qu’inspire l’existence de cette classe (les affranchis), c’est que ce fut au sein de la France qu’on fit des lois pour le maintien de la servitude des Africains en Amérique ; que ce fut la France qui songea à s’approprier les produits du commerce de la traite des noirs qu’il est même interdit aux colo-