Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 10.djvu/250

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balles atteignirent Laforêt en pleine poitrine. Ne se contentant pas de ce coup mortel, Roche le frappa à la figure avec la crosse du fusil, au moment où le cadavre tomba à terre ; puis il s’enfuit et se cacha.

D’après ces faits, la Chambre suivit les dispositions de la constitution en appelant le représentant Roche, par un mandat de comparution, à se présenter dans son sein pour être entendu, huit jours au moins avant la clôture de la session. Le 12 juillet, étant convaincue de son départ pour l’étranger, la Chambre : « Considérant qu’il est constant que ledit Joseph Roche a contrevenu à la loi, en désertant du territoire de la République, et a, en passant à l’étranger, renoncé à sa qualité de citoyen d’Haïti, et conséquemment à celle de représentant de la nation ; — par ces motifs, la Chambre, sans apprécier la culpabilité principale dudit J. Roche, déclare qu’il y a lieu à appeler son suppléant à le remplacer[1]. »

Telle fut l’échappatoire adoptée par la Chambre des communes, sur la proposition de ses avocats, Milscent, Latortue, etc., pour éviter de nouveau le renvoi de l’un de ses membres par-devant la haute cour de justice ; car J. Roche était un coutumax qui aurait dû être jugé par cette cour, suivant la constitution. Mais si jamais cette institution parut mal conçue dans la révision de 1816, ce fut vraiment à l’occasion de cette triste affaire. S’imagine-t-on, en effet, la réunion de quinze juges au moins pris dans les huit tribunaux civils de la République, pour décider du sort d’un accusé volontairement expatrié, après avoir commis un crime ordinaire ? Néanmoins, le motif donné par la Chambre pour prononcer sa déchéance comme représentant, n’était

  1. Bulletin des lois, no 3, — J. Roche, réfugié à Saint-Thomas, y passa plusieurs années. Accablé de misère, cet infortuné devint fou et mourut dans cette ile.