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À l’exemple tracé par la France, le gouvernement britannique appointa dans cette année un consul général en la personne de M. Charles Mackensie, et des consuls et vice-consuls pour résider dans divers ports d’Haïti[1]. Successivement, plusieurs autres puissances européennes, la Hollande, la Suède, le Danemarck, etc., établirent aussi des consulats dans la République[2].

Se fondant sur ces faits, le 1er avril Boyer publia une proclamation qui rapporta celle du 20 mars 1823, en permettant aux navires haïtiens de naviguer dans les hautes mers et de commercer avec les pays amis d’Haïti. Néanmoins, il leur fut encore défendu d’aller dans les colonies de ces pays et dans les deux États de la Caroline du Sud et de la Caroline du Nord. Mais, à raison des démarches que les gouverneurs de Saint-Thomas et de Curaçao avaient faites dans le temps, les navires nationaux eurent la faculté de s’y rendre

  1. Avant l’arrivée de M. C. Mackensie en Haïti, des journaux anglais avaient fait savoir qu’il était « homme de couleur, », né dans une des colonies de la Grande-Bretagne. Son origine africaine prédisposa les Haïtiens à l’accueillir avec une bienveillance particulière. Mais quelqu’un lui ayant avoué ce sentiment, il s’en trouva excessivement choqué ; de là la morgue offensante qu’il ne cessa de montrer durant son séjour dans le pays. On sait quel rapport il fit au gouvernement anglais qui l’avait chargé « de recueillir des renseignemens sur les progrès et les conséquences de l’abolition de l’esclavage en Haïti. » À cette époque, ce gouvernement préparait les voies à l’émancipation des esclaves de ses colonies. Ce rapport fut si malveillant pour les Haïtiens et leurs gouvernemens, et il pouvait tellement nuire à l’œuvre d’émancipation, que la Société abolitioniste de Londres jugea qu’il était convenable de faire prendre de nouveaux renseignemens sur l’état des choses en Haïti ; et dans ce but, elle y envoya M. Richard Bill, homme de couleur de la Jamaïque. M. R. Hill examina la situation avec plus de calme et de sagacité, et ramena l’opinion à des appréciations mieux raisonnées. Il jouit en Haïti, durant son séjour, de toute l’estime et de la considération qu’il méritait, car il s’y montra un vrai gentleman.
  2. En 1825, M. John Quincy Adams était Président des États-Unis. Cette République ne voulant pas accréditer des consuls en Haïti, dans un message qu’il adressa au Congrès, ce Président dit : « On trouve de nouvelles raisons contre la reconnaissance de la République d’Haïti dans ce qui s’est passé dernièrement, quand ce peuple a accepté de la France une souveraineté nominale, accordée par un prince étranger, sous des conditions parfaitement convenables à un état de vasselage colonial, et ne laissant de l’indépendance rien que le nom. » Mais quand en 1821, le même personnage, alors secrétaire d’État, adressait une lettre « à S. E. le général Boyer, Président d’Haïti, « au sujet d’une affaire d’argent, c’était bien reconnaître la République d’Haïti comme un État indépendant et souverain.