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de réparer tout le mal que Boyer avait produit. Les inculpés ajoutèrent, qu’ils espéraient que le général Borgella ne serait pas sourd à la voix de la patrie en danger. On a dit alors que le général Inginac, pressant Jean Michel de questions adroites afin de découvrir si Borgella avait connaissance du complot, s’il en était l’âme secrète, cet officier lui répondit : « Général, vous voulez surprendre ma bonne foi ; ce n’est pas loyal de votre part. Je vous le répète : le général Borgella n’a aucune connaissance de notre projet, mais en le proclamant chef de l’État, nous aurions espéré qu’il se rendrait au vœu des militaires et des citoyens qui se rallieraient à eux[1]. »

Après cette enquête, les inculpés furent livrés au jugement d’un conseil spécial qui les condamna tous à la peine de mort, J.-L. Bellegarde aussi, mais par coutumace. Le 3 juillet ils furent exécutés[2].

Dans cette affaire, à jamais déplorable par le but que poursuivaient ces militaires, qui n’étaient pas sans mérite par les services qu’ils avaient rendus à leur pays, le nom du brave général Benjamin Noël, qui lui-même avait tant de droits à la gratitude publique par ses antécédens, ce nom fut assez cité pour laisser planer de graves soupçons sur sa conduite. Une circonstance y ajouta : propriétaire de l’habitation jadis connue sous le nom de Turbé, dans la plaine du Cul-de-Sac, il s’y trouvait dans le moment ; sa présence en ce lieu voisin de la capitale parut être calculée pour être

  1. Certainement, il était du devoir d’Inginac, secrétaire général, ministre du gouvernement, de s’efforcer de decouvrir toute la vérité dans cette affaire. Mais ces particularités le firent accuser de chercher à perdre Borgella, afin d’écarter un concurrent éventuel dans le cas où la présidence viendrait à vaquer. Le colonel Lerebours fut aussi accusé de s’entendre avec lui à ce sujet. Il est certain qu’ils tinrent bien des propos alors contre Borgella, et nous ferons connaître des faits subséquens qui légitimérent les imputations du public.
  2. Tous ces braves militaires montrèrent le courage le plus calme au moment de recevoir la mort. Il fut vraiment regrettable qu’ils entrèrent dans un tel complot.