Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 2.djvu/112

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croirez utile de prendre les conseils… Songez que vous êtes investis de la confiance de la nation, de la convention nationale, du conseil exécutif ; que le salut de la colonie de Saint-Domingue est remis entre vos mains, que vous devez la défendre de l’ambition des ennemis du dehors et de la rage des ennemis de l’intérieur. Ayez enfin sans cesse devant les yeux que, si vous y rappelez le calme, que si vous lui rendez son ancienne splendeur, vous aurez bien mérité de la patrie. Est-il une plus douce récompense pour des républicains ?

Dans sa lettre du 26 février, Monge leur disait :

Je vous fais passer l’arrêté du conseil exécutif par lequel il a décidé que le ministre des affaires étrangères notifierait à la convention nationale la rupture ouverte de la cour d’Espagne comme hostilités imminentes, conformément aux lois existantes.

Cet arrêté doit vous servir de guide dans les circonstances actuelles. Vous devez faire traiter actuellement les Espagnols en ennemis ; vous devez déployer tous vos moyens pour tâcher de leur enlever cette portion de l’île dont la terre languit sans culture sous leurs bras fainéans. Que ceux qui ne possèdent point de biens à Saint-Domingue marchent sur la partie espagnole, ils y trouveront des terrains qu’ils pourront rendre fertiles. Engagez les hommes de couleur à s’armer contre ces nouveaux ennemis. Bientôt, comme je vous l’ai déjà marqué (dans la lettre du 15), on va organiser des légions franches dans les colonies. Prévenez le décret à cet égard

Voyez s’il ne serait pas possible de tirer parti des noirs révoltés contre les Espagnols. Concertez-vous à cet égard avec ceux que vous croirez dans le cas de vous donner des avis salutaires ; consultez les circonstances et l’esprit public : qu’ils vous servent de guide[1]

Chose singulière ! le 22 février, le ministre du roi d’Espagne, Pedro Acuña, donnait à Don Joachim Garcia, gouverneur et capitaine générale à Santo-Domingo, des instructions semblables pour la conquête de la partie française, au moyen des esclaves révoltés ! Il avait devancé de quatre jours le ministre du conseil exécutif. Donnons ici un ex-

  1. Débats, t. 5, p. 58 et 68.