révoltés, il ne réservait pas sans doute un meilleur sort aux mulâtres et nègres libres.
Toutefois, si ces propositions ne furent pas acceptées, c’est à l’une d’elles qu’on doit attribuer la résolution prise par la convention, de décréter d’accusation Polvérel, Sonthonax et Delpech[1].
En possession des instructions ministérielles qui leur parvinrent avant les décrets, Polvérel et Sonthonax rendirent leur proclamation du 5 mai 1793, datée du Port-au-Prince, qu’ils firent publier en français et en langage créole, pour être plus à la portée de ceux qui en étaient l’objet. Lisons les motifs et le dispositif de cet acte, pour pouvoir apprécier la conduite de ces deux commissaires en cette circonstance.
« Ce n’est pas chez les esclaves qu’il faut chercher
- ↑ Lorsqu’aux Débats, Sonthonax produisit cette pièce émanée de Page personnellement, ce colon ne rougit pas de défendre ses horribles propositions, en prétendant qu’il était d’usage, à la guerre, d’entretenir des espions parmi ses ennemis. « Je recommandais, dit-il, de corrompre, d’égorger ou d’empoisonner les chefs de la révolte. Eh bien ! si les gouvernemens ne publient pas ces maximes, ils les pratiquent… »
« À l’ordre ! À l’ordre ! repartit vivement Garran de Coulon, président de la commission des colonies. « Les mauvaises maximes sont pires que les crimes eux-mêmes ; elles sont capables de pervertir la morale publique ; il n’est pas permis de s’en servir, même pour sa justification. »
Après Page, — Brulley, qui fît observer qu’il ne signa pas cette pièce, voulant cependant justifier les maximes professées par son collègue, eut l’infamie de dire : « J’étais malade ou absent quand cet écrit fut présenté, « Je l’aurais signé sans cela, ou j’y aurais fait quelques modifications. Mais si je vous disais, citoyens, que l’on n’aurait alors usé que de représailles… »
« Je te rappelle à l’ordre, répondit Garran : on ne peut pas empoisonner, même par représailles… Tu ne peux pas justifier de pareilles représailles ! « c’est corrompre la morale publique… On ne peut pas enseigner la théorie de l’empoisonnement (a) »
Qu’on est heureux de pouvoir citer des paroles aussi mémorables, de la part d’un défenseur des droits de toute l’espèce humaine, à côté des maximes perverses des colons qui n’avaient de respect pour les droits d’aucun homme, pas même pour ceux des blancs comme eux !
(a) Débats, t. 5, p. 139 à 151.