Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 2.djvu/146

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l’homme ; et quels que soient nos moyens de résistance, la force de notre pays, le nombre de nos citoyens, la quantité et la fidélité de nos esclaves, nous sacrifions tout à la justice et nous n’emploierons qu’elle… »

Polvérel et Sonthonax avaient donc raison d’ordonner des dispositions militaires contre le quartier de la Grande-Anse, en même temps qu’ils y envoyaient la délégation. Il fallait tenter de la réduire, comme ils venaient de le faire à l’égard des factieux du Port-au-Prince.

Mais ces colons ne s’étaient pas tenus à l’organisation du conseil d’administration et à l’armement de leurs esclaves. Ils avaient commencé sur les limites des deux paroisses du Petit-Trou-des-Baradères et du Corail (appelé alors les Cayemittes et comprenant Pestel), le système des camps retranchés et armés de canons, qu’ils étendirent par la suite sur tous les points par où les quartiers de la Grande-Anse et de Tiburon étaient accessibles par les montagnes. Un camp avait été formé sur l’habitation Desrivaux, située dans le canton alors de Pestel, devenu aujourd’hui une commune ; il était garni de pièces de canon et commandé par un blanc nommé Duperrier. Sa garnison était nombreuse.

En partant du Port-au-Prince, la délégation et Rigaud avaient reçu l’ordre des commissaires civils de recruter leur armée, de contingens pris dans toutes les paroisses sur leur route. Celui du Petit-Goave était commandé par Alexis Ignace, originaire de la Martinique, qui s’y était établi depuis 1781. C’était un homme distingué, et riche par son commerce et par ses propriétés foncières : il avait pris part aux premiers mouvemens révolutionnaires de la classe de couleur dans ce lieu,