Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 2.djvu/163

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jette dans le gouffre, qu’il envoie les tyrans à la convention nationale, avec le tableau et les preuves de leurs forfaits consommés et de ceux qu’ils méditent encore, et qui sont plus effrayans encore, s’il est possible.

Il faut assumer tout sur vous, pour sauver Saint-Domingue. Si vous avez la faiblesse de vous laisser embarquer, vous perdez la colonie, vous ne vous sauvez pas.

Le moment est venu où il n’y a plus à transiger ; ils sont trop criminels ; ils n’ont d’espoir que dans leur audace et dans les révoltés qu’ils appelleront sur les colons. Général, hâtez-vous de vous entourer de toute la population blanche du Cap ; faites rentrer le brave régiment du Cap : les forces de terre et de mer sont, par votre brevet à votre disposition ; faites donner des ordres au camp des blancs de laisser passer tous les révoltés, s’ils tentent de le faire et de se tenir prêts à les prendre par-derrière lorsque vous les prendrez par-devant ; car, sans être homme de guerre, je sais ce que feront les commissaires et ce que vous devriez faire : vous opposer à leur entrée au Cap. Si vous ne le faites pas, vous tenterez en vain après de les en arracher : ils appelleront ensuite les révoltés. Alors vous appellerez les braves marins et tous les hommes que vous aurez au Cap, vous marcherez à leur tête et vous mettrez les révoltés entre votre feu et celui des hommes sortis du camp. Ils ne tiennent point à la guerre en rase campagne ; vous les vaincrez et sauverez Saint-Domingue.

Sa ruine ou son salut dépend de votre conduite. Je vous prédis que, si vous ne prenez ce parti, les commissaires une fois entrés au Cap, demeurent les maîtres du pays ; ils s’en déclareront les chefs suprêmes, après avoir fait expulser ou massacrer tous les blancs ; et le général Galbaud, ayant pu empêcher le crime et ne l’ayant pas osé, en sera responsable aux yeux de la colonie, de la nation et de la postérité : qu’il ose… ! Il en est temps. Il ne faut pas s’effrayer de leur faction… ; elle n’est que factice : pas un citoyen honnête n’ose s’en montrer partisan ; ils n’ont que des hommes de boue, sur qui l’opinion morale de leur force cessera d’agir s’ils voient seulement que vous osiez leur résister. Proclamez leurs crimes, faites-les imprimer ; dans trois jours vous n’aurez pas un imprimeur à vous.

Ainsi donc, la cause de la colonie se décide sous deux jours : elle est gagnée ou perdue, selon la conduite ferme, résolue, fixe ou timorée et versatile que tiendra le général Galbaud.

Le sort de Saint-Domingue est entre ses mains. Eh quoi ! il hésite encore à prendre le seul parti qu’il y ait à prendre ! Il n’aura donc eu