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qu’à leur méfiance naturelle se joignaient les intrigues des Espagnols et des contre-révolutionnaires français, pour les détourner de toute idée de soumission à la commission civile. Comment, en effet, les chefs des insurgés n’auraient-ils pas cédé à ces suggestions, quand des officiers français trahissaient la cause de leur gouvernement, de leur pays, quand la patrie, pour ces indignes, était dans le camp des ennemis qui attaquaient la France ou sa colonie ? L’exemple donné par les émigrés en Europe et la défection de Dumouriez devaient exercer une pernicieuse influence sur les Français de Saint-Domingue, et ceux-ci à leur tour, sur l’esprit des noirs.

D’autres considérations venaient sans doute les fortifier dans cette répugnance. Jean François, Biassou et Toussaint ne pouvaient oublier qu’ils avaient vainement tenté de se soumettre à des conditions raisonnables, aux premiers commissaires civils, et que les colons s’y étaient opposés. Rien ne leur garantissait que la liberté qui leur était offerte par Polvérel et Sonthonax, serait ratifiée par la France. Le régime colonial n’était pas détruit par la fuite de Galbaud et de quelques colons déportés ou partis volontairement sur la flotte. D’ailleurs, ces mêmes commissaires, à leur arrivée dans la colonie, avaient proclamé la nécessité du maintien de l’esclavage, pour sa prospérité. Tout récemment encore, au Port-au-Prince, ils venaient de proclamer son maintien, en rétablissant ou continuant la peine du fouet, celle des oreilles et des jarrets coupés, et celle de mort contre les esclaves fugitifs, etc. Il était impossible que ces chefs des insurgés du Nord ignorassent ces actes : les Espagnols, intéressés à les retenir dans leur parti, avaient dû les en instruire. De plus, les commissaires civils ne leur offraient rien