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core le résultat de la polygamie établie chez toutes les tribus de l’Afrique : ce qui n’excuse pas les colons qui, comme hommes éclairés, devaient d’autant plus reconnaître l’influence de l’esprit de famille, qu’ils savaient fort bien que les premiers établissemens de la colonie de Saint-Domingue n’avaient commencé à prendre de la fixité, que du jour où D’Ogeron avait procuré des femmes aux flibustiers. Ensuite, ce n’était pas dans le temps de la guerre active qui se faisait en 1795, après deux années de troubles et de dévastations, que des esclaves rendus libres pouvaient apprécier le bienfait de cette proclamation du 11 juillet. Mais, néanmoins, les commissaires civils jetaient les bases d’un ordre de choses qui pouvait se consolider sous les gouvernemens qui leur succéderaient. Ils s’élevaient à la hauteur du législateur, qui dispose presque toujours pour l’avenir, sur lequel il compte plus que sur le présent. Nous verrons ce que firent ces gouvernemens à ce sujet.


Trois jours après avoir rendu leur proclamation, le 14 juillet, Polvérel et Sonthonax firent célébrer au Cap une fête patriotique, en commémoration de la prise de la Bastille. C’était moins une fête proprement dite, que la consécration d’un grand fait politique : — l’affranchissement proclamé en faveur d’un grand nombre d’hommes, naguères esclaves. En effet, ce n’était pas sur les ruines fumantes de cette cité, qui avait été si opulente, que des réjouissances pouvaient être ordonnées ; mais il y avait lieu de ne pas perdre l’occasion de solenniser l’acte de justice qui venait d’être rendu.

Ce jour-là, entourés de tous les fonctionnaires civils et militaires, de toutes les troupes, de tous les citoyens du