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anciens libres, partagèrent ce honteux sentiment. On le vit se manifester plus ouvertement dans les communes de Saint-Marc, de Saint-Louis et d’Aquin. Toutefois, les hommes d’élite de la classe de couleur, pénétrés de leurs devoirs envers celle des esclaves, se réjouirent de la grande mesure qui affranchissait leurs frères de l’humiliation de la servitude, pour les élever à la dignité de l’homme libre et du citoyen. Ces hommes honorables, Pinchinat, Bauvais, Rigaud, Montbrun, et tant d’autres que nous ne nommons pas, prêtèrent un concours loyal et désintéressé au triomphe de la liberté générale proclamée par les commissaires civils.

La ville du Port-au-Prince reçut deux jours après, de Polvérel, le nom de Port-Républicain, « pour rappeler sans cesse aux habitans les obligations que la révolution leur imposait[1]. »

L’heureuse idée qu’il eut de rattacher la déclaration de la liberté générale, à la fondation de la République française dont il célébrait en même temps l’anniversaire, contribua sans doute à jeter dans le sol de l’Ouest, les profondes racines du gouvernement républicain qui apprécia ses vues sur le partage des propriétés en faveur des noirs, et qui constitua l’unité de la nationalité haïtienne par la réunion de toutes les parties du territoire d’Haïti sous les mêmes lois.

En attendant cette époque glorieuse pour les fils régénérés de l’Afrique, l’éternelle Providence qui a créé tous les hommes pour être libres et égaux en droits, dut sourire aux succès qu’obtenaient à Saint-Domingue les efforts des vrais philanthropes de l’ancien hémisphère, qui

  1. Rapport de Garran, t. 4, p. 216. Elle a perdu ce nom, dès le 1er janvier 1804, et l’avait repris de 1843 à 1845.