Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 2.djvu/30

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mune, où ce qu’il pouvait y avoir de défectueux dans la manière de voir de chacun était contre-balancé par les réflexions des deux autres, leurs décisions, presque toujours individuelles, portèrent l’empreinte particulière du caractère de chacun d’eux. Bientôt Polvérel et Sonthonax furent partagés sur des mesures générales qu’ils auraient dû concerter ensemble et rendre uniformes pour toute la colonie. Sonthonax, plus jeune, plus ardent, plus actif sans doute, entraîné par cet enthousiasme qui persuadait alors à tous les républicains que la révolution ne devait trouver aucun obstacle autour d’elle, et que presque tous les moyens qui pouvaient en assurer les succès, étaient par cela même justifiés, avait une plus grande idée de l’étendue de ses pouvoirs ; il voyait mieux ce que la France avait à redouter des agitateurs qui troublaient la colonie, et la nécessité d’y porter remède par des mesures promptes et puissantes. Polvérel, plus âgé que lui[1], plus sage par cette raison, plus convaincu de la nécessité d’observer les lois au milieu même des révolutions qui semblent en être l’interrègne, aurait tempéré l’extrême activité de son collègue ; mais il aurait aussi sans doute appris de lui à ne pas trop compter sur les règles ordinaires, dans le temps où l’autorité des lois est également suspendue, et, par l’incertitude où l’on est sur celles qui peuvent subsister encore, et par l’entraînante rapidité des événemens, qui ne permet pas de suivre la direction qu’elles ont prescrite. On avait déjà fait des efforts pour les diviser. Il fut alors aisé d’y parvenir, et leur dissenti-

  1. Sonthonax avait 29 ans, à son arrivée dans la colonie. Polvérel en avait au moins 50 : il mourut à Paris le 17 germinal an 3 (6 avril 1795). Sonlhonax est mort en 1811, âgé de 48 ans.