Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 2.djvu/311

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naires qui entraînaient les hommes de couleur dans leur projet ?

À moins de supposer une âme atroce à Sonthonax, nous ne pouvons pas plus croire qu’il fît insinuer cette idée aux noirs, que nous ne croyons que des hommes de couleur, et même des blancs, voulurent poignarder ce commissaire. Sonthonax, selon nous, avait bien pu tenir le propos que nous venons de rapporter, parce qu’avec son génie révolutionnaire, il pensait tout ce qu’un noir de la trempe de son caractère, éclairé comme lui, aurait pu exercer d’influence sur sa classe dans les conjonctures où se trouvait la colonie ; et c’est là le sens que nous trouvons dans ces paroles. Mais autre chose serait de sa part, de provoquer les noirs à l’assassinat des hommes de couleur dans cette partie, lorsqu’il devait sentir le besoin extrême qu’avait la commission civile de cette classe, pour résister efficacement contre les colons et leurs auxiliaires. Sonthonax, enfin, n’était pas un barbare : il a eu assez de pouvoir pour faire périr ses ennemis, et il n’en arien fait, malgré son caractère ardent et emporté. Il faut se défier des accusations répandues par les traîtres dont il contraria les desseins perfides.

Quoi qu’il en soit, le 10 novembre, Savary lui écrivit une lettre où il lui disait :

« Aujourd’hui dimanche, un nombre considérable d’Africains se sont rendus en ville et voulaient absolument piller et incendier. La consternation était générale. » Quelqu’un de votre suite s’était arrêté sur la route, et avait dit hautement aux Africains qu’il fallait égorger tous les mulâtres. Cette doctrine, prêchée à votre passage et sur les traces de votre voiture, nous serait devenue funeste, si nous n’avions pas été sur nos gardes. Si nous n’avons