Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 2.djvu/341

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pouvaient vaincre les Anglais et les Espagnols, entourés de colons et d’émigrés français, il les prépara, sans s’en douter nullement, à soutenir glorieusement aussi la lutte de 1802 et 1803. Les nègres et les mulâtres d’Haïti doivent se féliciter de la trahison de 1793 qui les a aguerris. La guerre entraîne toujours des maux immenses, mais elle donne du ressort aux âmes ; l’énergie de l’homme s’y développe. Les colons de Saint-Domingue ne savaient pas qu’en trahissant la France, ils donneraient à la véritable population de cette colonie, les moyens de se rendre elle-même indépendante de la métropole.

Ainsi la Providence sait tirer parti du mal même pour procurer aux hommes leur bien-être. L’injustice est certainement contraire à ses desseins ; mais lorsqu’elle veut prévaloir contre sa bonté. Dieu sait inspirer à ceux qui en sont l’objet, la vigueur nécessaire pour s’en affranchir.

Garran constate que « Sonthonax, qui jusqu’alors avait toujours subjugué son collègue, par l’ascendant que lui donnait un caractère plus entreprenant, s’honora de céder à son tour à des sentimens si généreux… Ils ne s’occupèrent que des devoirs qui leur étaient imposés par leur situation, et ils les remplirent éminemment en restant à leur poste. On verra dans la suite que cette glorieuse résolution coûta la vie à Polvérel, comme il l’avait prévu lui-même. »

Le caractère ! c’est là ce qui distingue surtout les hommes politiques, ce qui les fait succomber ou triompher des obstacles qui leur sont opposés. Ce n’est pas dans la prospérité qu’il faut les juger, c’est dans l’ad-