Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 2.djvu/36

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la commission intermédiaire, il est vraisemblable que Pinchinat dut saisir avec empressement, en faisant partager à ses collègues de couleur ses idées, l’occasion de venger aussi les mânes d’Ogé, de Chavanne et de leurs courageux compagnons, par l’expulsion de la colonie des hommes qui avaient eu tant de satisfaction à les faire mourir, et qui tous étaient partisans de l’assemblée provinciale du Nord. Le rédacteur célèbre du concordat du 11 septembre 1791, qui déclarait infâmes et dignes d’être voués à l’exécration contemporaine et future les arrêts prononcés contre ces victimes du préjugé, ne pouvait laisser échapper une si heureuse circonstance de concourir à la punition, par l’ostracisme, de ceux qui les avaient prononcés, qui avaient provoqué ces arrêts ou qui en avaient soutenu l’exécution par leurs fonctions. Si les colons se montraient passionnés entre eux pour de simples différences d’opinions politiques, pourquoi n’aurait-il pas été permis aux hommes de couleur d’être aussi peu indulgens envers les auteurs des persécutions qu’ils souffraient ? Et qu’était-ce que l’expulsion de la colonie de ces êtres haineux, à côté du supplice atroce subi par Ogé et Chavanne ?


Le club se rendit en masse auprès de Sonthonax, pour l’assurer de son respect à son autorité. Reconnaissant parmi ses membres des hommes qu’il croyait être de vrais patriotes, il les complimenta en les encourageant à persévérer dans leur conduite. Néanmoins, il n’admit pas dans son intégralité la liste des proscrits. Exceptant les simples citoyens, il destitua les fonctionnaires publics signalés par cette liste, en leur enjoignant de s’absenter de la colonie : c’était prononcer leur déportation sous la