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pensait que c’était lui qui avait excité Polvérel à ces mesures ; et quoiqu’il eût été acquitté, il avait conservé du ressentiment contre Montbrun. Affectant un grand zèle à obéir à Sonthonax, par opposition même à Polvérel dont il était mécontent, Desfourneaux excitait Sonthonax à son tour contre Montbrun, et il n’opéra le recrutement ordonné le 27 février, que parmi les anciens anarchistes qui avaient été de la troupe de Praloto, — les matelots, les bandits de toutes les nations qui avaient fait tant de mal aux hommes de couleur ; ils étaient tous des blancs[1]. De plus, le 48e régiment était ce corps d’Artois qui, comme celui de Normandie, avait toujours été des instrumens pour les factieux blancs du Port-au-Prince contre les hommes de couleur ; de là un nouveau mécontentement de la part de ces derniers et principalement de leurs chefs.

Remarquons encore que dans sa proclamation, Sonthonax signale les calomnies dont il est l’objet. Autorité suprême, il descend aux reproches, alors qu’il semble désirer le rapprochement de tous les citoyens pour défendre le pays. Il flatte ensuite les noirs, en admettant que J. B. Belley ou J. Georges, députés du Nord, a pu présider la convention nationale. Dans toute autre circonstance, une pareille idée eût paru imaginée pour les exciter en faveur de la France, par leur amour-propre ; alors, elle n’a paru que comme un moyen de les exciter contre ceux dont il se plaint, blancs et mulâtres.

Pour tout dire sur cette proclamation, Sonthonax de-

  1. Par sa lettre du 5 mars, citée plus avant, Bauvais fît des observations à Sonthonax sur le recrutement parmi ces blancs. Ceci corrobore ce que nous avons dit sur l’erreur commise par Garran, erreur répétée par Pamphile de Lacroix.