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retraite avec soixante-dix hommes armés de fusils. Il est d’autres horreurs que ma plume ne peut vous tracer[1]. »

Si l’on pouvait attendre l’exacte vérité dans un récit dé cette affaire, de la part de Desfourneaux, irrité de sa défaite et encore plus de ce qu’il appelle sa retraite, ce serait sans doute quelques jours après qu’elle venait d’avoir lieu. Mais on voit qu’il est loin de satisfaire aux exigences de l’histoire. C’est encore de l’égorgement de Sonthonax et de tous les blancs qu’il s’agit, tandis qu’il eût été si facile à Montbrun de commettre une telle scélératesse, s’il en avait eu le dessein, comme d’embarquer le commissaire, s’il l’avait voulu. Mais alors, quel compte eût-il rendu à Polvérel, appuyé de tous les autres hommes de couleur ?…

Le fait cité par Desfourneaux, de la part d’un homme de couleur qui aurait voulu frapper Sonthonax de sa baïonnette, n’est encore qu’une fable de son imagination. Sonthonax lui-même en eût parlé, s’il avait été vrai ; et l’on voit, d’après Garran, qu’il a seulement imputé à Montbrun de vouloir l’assassiner ou l’embarquer. Or ce dernier n’a fait ni l’une ni l’autre chose ; il n’a pas non plus égorgé les femmes et les enfans, quoiqu’il aurait mis cette conséquence à la condition du désarmement du 48e ; car Desfourneaux dit qu’il est parti avec soixante-dix hommes de ce corps, armés de fusils. Le chiffre restreint de trente-trois hommes qui escortent Sonthonax au fort Sainte-Claire, prouvé encore le ménagement gardé envers ce commissaire ; car Desfourneaux déclare que tous les mulâtres et les nègres agissaient pour Montbrun.

Nous entrevoyons déjà, dans son récit fait à Laveaux,

  1. L’accusation portée dans cette lettre contre Pinchinat et Montbrun justifie l’assertion de Gatereau, sur l’ordre donné de les arrêter.