Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 2.djvu/43

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il ne doit pas enchaîner ses déterminations ultérieures, car il ne peut savoir ce à quoi il sera obligé par les événemens. La dépendance où se trouvaient les commissaires civils, de l’assemblée de la métropole dont ils étaient les agens subordonnés, surtout après le 10 août, pouvait bien leur permettre de ne pas continuer leur mission, s’il s’agissait d’exécuter ses ordres pour l’affranchissement des noirs ; mais ils ne pouvaient dire qu’ils s’y opposeraient : c’était proclamer le droit à la résistance. Et lorsqu’il s’agissait des droits naturels de toute une espèce d’hommes, bien plus légitimes aux yeux de l’humanité, une telle déclaration, solennellement faite sous serment, avait un caractère odieux. Sans doute, les divers décrets de l’assemblée constituante, rendus en 1790 et 1791, reconnaissaient aux assemblées coloniales seules la faculté, la prérogative, le droit, si l’on veut, de prononcer sur cette intéressante question : et les commissaires civils pouvaient espérer que ces assemblées, constitutionnellement formées, c’est-à-dire reconstituées d’après la loi du 4 avril, avec le concours des mulâtres et nègres libres, seraient portées elles-mêmes à adoucir le sort des nègres esclaves. Mais alors, pourquoi proclamaient-ils la nécessité de l’esclavage pour la prospérité des colonies ? pourquoi disaient-ils qu’il n’était ni dans les principes ni dans la volonté de l’assemblée nationale de changer cet état de choses ? Les principes de la déclaration des droits, au contraire, commandaient ce changement ; ils devaient un peu plus tôt, un peu plus tard, entraîner la volonté de l’autorité nationale. Aussi ces imprudentes déclarations, celle de Sonthonax surtout, autorisèrent les colons à accuser ces commissaires, lui particulièrement, de mauvaise foi, de machiavélisme.