Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 2.djvu/475

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gaud, ne sut pas se défendre d’un excès de zèle dans la mission qu’ils reçurent : chefs militaires, agissant en temps de guerre, ils y mirent peut-être trop de ce despotisme inhérent à leur noble profession. Mais, quoique agissant dans des vues semblables, ce fut Rigaud qui supporta tout le poids de l’affreux système inauguré par les commissaires civils, déchus de leur autorité.

En effet, peut-on ne pas reprocher à la mémoire de Polvérel, d’avoir terminé ainsi la mission où il avait montré tant de nobles sentimens, une magnanimité si grande ? Comment ! lui et son collègue ont cru à la trahison de Montbrun, et ils ne l’ont pas fait arrêter ! Ils ont eu assez de force, assez de puissance morale, pour le remplacer par Martial Besse, et ils n’ont pas livré ce traître à un conseil de guerre ! Ils étaient convaincus de sa haine pour les Africains dont ils étaient entourés au Port-au-Prince et qu’ils voulaient favoriser, ils avaient reconnu que Montbrun n’avait plus leur confiance, et ils le laissèrent encore revêtu de son commandement ! Ils n’ont pas usé de leur autorité dictatoriale pour le placer sous le joug des lois ! Et c’est à Rigaud que Polvérel réserve plus spécialement une telle mission ! Il enflamme son ambition pour l’y exciter, il flatte son orgueil en lui disant qu’il est le seul homme dans la colonie, capable de déjouer les complots de Montbrun, d’y assurer le triomphe de la liberté et d’y faire respecter l’autorité du peuple français.

Nous connaissons tous les talens de Rigaud, tous ses bons sentimens en faveur de la liberté des noirs, tout son dévouement à la France ; mais nous disons qu’à ce moment-à, Polvérel, le sage Polvérel semblait ne pas craindre que son exemple serait suivi un jour par un autre agent