Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 2.djvu/483

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temps, cela ne paraît avoir eu pour cause que la division survenue entre les membres des comités du gouvernement ; car, dès le mois de septembre 1793, Dalbarade, ministre de la marine, avait expédié deux colons, Simondès et Victor Hugues, sur une frégate partie de Rochefort à cet effet : elle rentra dans le port deux jours après ; l’expédition fut alors ajournée[1]. Mais après le décret du 16 pluviôse, qui contribua à la mort de Danton, Robespierre et sa faction, débarrassés de cet adversaire redoutable, et dominant plus que jamais les comités du gouvernement et la convention, pouvaient croire qu’il leur serait facile d’abolir ce décret que Danton avait déterminé cette assemblée à rendre.

Nous fondons cette opinion sur le passage suivant du rapport de Garran : « Tout annonce au surplus, dit-il, que les craintes qu’ils (les colons Page et Brulley) avaient inspirées à Barrère n’étaient pas sans fondement : il paraît effectivement que l’admission des députés de Saint-Domingue à la convention nationale (Dufay et ses collègues), et le décret sur la liberté des noirs, furent un des motifs qui conduisirent Danton à l’échafaud : c’est du moins, ce que l’on peut induire de plusieurs mémoires de Page et Brulley. Si l’on en croit leurs registres, Amar, en leur témoignant le plus grand mécontentement du décret du 16 pluviôse, déclara : que ce décret tenait à une grande intrigue, à un complot formé depuis quelque temps ;… qu’il était inouï que la convention eût fait ce que Brissot et sa faction n’avaient jamais osé faire ; que c’était revenir sur ses pas ; contredire tout ce qui s’était fait, s’élever contre le décret d’accusation

  1. Débats, t. 1er p. 20, et Rapport, t. 4, p. 540.