Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 2.djvu/56

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esclaves. Cette tentative ne réussit pas, quoique la ville de Saint-Marc et les paroisses voisines eussent adopté le plan de Decoigne. La commune du Mirebalais dénonça ce plan aux commissaires civils : celle de l’Arcabaie le dénonça aussi, après que Lapointe eut vainement tenté de l’y entraîner. Enfin, la municipalité de Saint-Marc elle-même, convaincue de l’impossibilité d’exécuter le plan de cette confédération, sans doute par les succès de Sonthonax au Cap contre les factieux, et par l’accueil fait au Port-au-Prince à Polvérel et Ailhaud, le dénonça à son tour, mais tardivement, aux commissaires civils. En cette circonstance, Polvérel lança un mandat d’amener contre Lapointe et quelques autres hommes de couleur de l’Arcabaie qui participaient à ses projets ; mais bientôt il le révoqua, par ménagement pour cette classe d’hommes. Peut-être y fut-il aussi déterminé par mesure de prudence, afin de ne pas exaspérer Lapointe qui, ainsi que Savary, ne manquait pas de courage et d’habileté. L’arrestation de Lapointe, si elle eût manqué, ou même en réussissant, eût donné crédit au bruit répandu à Saint-Marc, de l’intention des commissaires civils de déporter aussi les hommes de couleur ; et alors il eût pu arriver que les principaux d’entre eux, au Port-au-Prince et ailleurs, se fussent jetés tout à fait dans les projets des contre-révolutionnaires. La commission civile eût perdu ainsi la principale force sur laquelle elle pouvait compter pour empêcher, et la contre-révolution et la séparation de Saint-Domingue de la France. Polvérel avait trop de perspicacité pour ne pas découvrir ce funeste résultat : ses sentimens honnêtes et modérés devaient d’ailleurs l’en détourner.