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recommandait la prudence jusqu’au moment opportun.

En effet, dans le même temps les blancs du Port-au-Prince avaient appris les succès obtenus par Sonthonax contre les factieux du Cap, et l’espèce de triomphe accordé aux hommes de couleur. Ils sentaient alors qu’il fallait réunir les divers partis parmi la classe blanche, pour ne pas être vaincus les uns après les autres. Borel proposa alors à Hanus du Jumécourt, maire de la Croix-des-Bouquets, une conférence où ils se jurèrent un éternel oubli du passé qui les avait éloignés l’un de l’autre. Borel était du parti de l’assemblée de Saint-Marc, tandis que Hanus de Jumécourt était partisan de Peinier. Ils s’embrassèrent publiquement pour tracer l’exemple à leurs partis respectifs, et ils arrêtèrent entre eux un plan de confédération pour les quatorze paroisses de l’Ouest.

Pour y parvenir, il fallait avoir l’air de s’unir sincèrement aux hommes de couleur qui, depuis l’entrée de Roume et de Blanchelande au Port-au-Prince, étaient restés sous des drapeaux distincts. La municipalité rendit un arrêté, le 8 décembre, qui invitait les hommes de couleur à se fondre sans distinction dans les rangs de la garde nationale. Elle fit valoir les outrages dont quelques-uns avaient été l’objet, dans la journée du 2 décembre, de la part des africains.

En conséquence de cet arrêté, le 10, un détachement armé des hommes de couleur se présenta devant l’hôtel de ville avec les drapeaux du corps. Juste Chanlatte fut introduit dans la salle des séances pour annoncer l’objet de leur présence. Son père Chanlatte aîné, et Breton de la Villandry, officiers municipaux, sortirent pour introduire les drapeaux. Ils y rentrèrent bientôt avec Bauvais