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À peu près dans ce temps-là, Sonthonax avait envoyé auprès de lui un de ses secrétaires nommé Picquenard, pour lui notifier le départ de Rochambeau et l’inviter à prendre l’intérim du gouvernement : Lasalle en fît son aide de camp. Mais Borel et les autres factieux, pour se venger des déportations ordonnées par Sonthonax, arrêtèrent Picquenard et voulurent le pendre à une lanterne, comme on avait fait du malheureux Scapin, dans la même ville. Mais plus heureux que ce noir, Picquenard fut secouru à temps par quelques hommes de couleur et par Rudeval, commandant de la frégate l’Astrée, à bord de laquelle il fut mis en détention, sans que Lasalle fît la moindre démarche à cette occasion : il eut même la lâcheté de consentir à son arrestation, tant il était subjugué lui-même par les factieux. On lit dans les Débats une lettre mélancolique de ce jeune homme de vingt-deux ans, adressée à Sonthonax, où il se résignait à la mort qu’il croyait recevoir à tout moment de ses infâmes persécuteurs, quoiqu’il fût à bord de l’Astrée[1].

Peu de jours auparavant, ils avaient voulu également arrêter Delpech, secrétaire de la commission civile, et Dufay, que Sonthonax envoyait auprès de Polvérel. Ces deux envoyés durent sortir bien vite du Port-au-Prince pour rejoindre ce commissaire aux Cayes.

Borel fît encore arrêter le journaliste Catineau que les blancs haïssaient, parce qu’il avait épousé une mulâtresse ; mais ils prétextèrent que Catineau avait reproduit dans sa feuille une relation officielle des événemens passés au Cap, dans les premiers jours de dé-

  1. Débats, t. 7, p. 232. Picquenard déclara à Sonthonax que le projet des blancs était d’assassiner les hommes de couleur.