Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 3.djvu/115

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ment, Pinchinat désirait d’être nommé député ; mais pour cela, il n’avait pas besoin de retourner dans l’Ouest ou dans le Sud ; on eût pu l’y élire, et se trouvant déjà en France, il est plus que probable qu’il aurait été admis. Dans tous les cas, avec son talent reconnu, il aurait été extrêmement utile à sa classe que Laveaux représentait déjà comme indocile, dévorée d’ambition, voulant se substituer à la race blanche et étant contraire aux noirs. Pinchinat, enfin, devait comprendre que les fâcheuses dispositions que Sonthonax avait contre cette classe à son départ, le porteraient à la représenter sous un jour contraire à la vérité. Tout ce qui s’en est suivi, et dont nous parlerons bientôt, tient peut-être à la funeste résolution prise par Pinchinat, Sala et Fontaine de ne pas aller en France.

Écoutons Laveaux parlant du départ de Pinchinat pour le Sud :

« Enfin, dit-il, le fameux Pinchinat quitte le Cap, après avoir organisé toutes ses machinations. Pendant plus de deux mois qu’il l’avait habitée, la ville n’avait cessé d’être en agitation. Il y jouait un jeu effroyable, occasionnait des réunions nombreuses et montrait dans toutes les occasions les dispositions les plus séditieuses. — « S’il y avait du trouble entre Laveaux et Villatte, disait-il un jour au colonel Léveillé, pour qui vous déclareriez-vous ? — Pour celui qui serait pour la loi. — Mais encore, faudrait-il prendre parti pour l’un ou pour l’autre. Laveaux n’est pas de ce pays-ci : Villatte est homme de couleur. » Pinchinat ne put rien obtenir de Léveillé. Les hommes de couleur de toutes les paroisses venaient voir Pinchinat, et des courriers s’expédiaient à chaque moment. C’est ainsi que l’on amenait la journée du 30 ventôse. »