Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 3.djvu/162

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passer des blancs pour faire le bien qu’il trouvait dans son cœur.


Le lecteur aura remarqué que jusqu’ici nous n’avons pas dit notre opinion sur la manière habile dont T. Louverture a exploité la situation faite à la colonie par l’affaire du 30 ventôse.

La postérité est-elle en droit de blâmer ce noir intelligent d’avoir profité de l’incapacité politique de Laveaux pour s’élever à une position supérieure ? Nous osons dire : non !

T. Louverture avait le sentiment, la conscience de ce dont il était capable, et il l’a justifié. Ambitieux comme tous les militaires, il devait désirer d’arriver, sinon au pouvoir, du moins à un grade plus éminent que celui de général de brigade. Dès qu’il se fut soumis à Laveaux, il a pu reconnaître ses préventions contre Villatte, contre tous les hommes de couleur. Laveaux étant gouverneur général et Européen, il était le seul homme qui pût le recommander au gouvernement français : il fallait donc le flatter, le fasciner par des témoignages d’une considération soutenue, par une obéissance raisonnée, par les expressions d’un tendre attachement, en se prêtant à toutes ses passions. Tout prouve, d’après leur correspondance citée, que Laveaux se préparait à une lutte contre Villatte, ou tout au moins qu’il prévoyait cette éventualité. Villatte excitait la jalousie de T. Louverture, de même que celui-ci excitait la sienne : ils étaient rivaux. Avec de pareils sentimens de part et d’autre, survient l’affaire du 30 ventôse où Villatte se conduit mal : ce serait vouloir trop exiger de la nature humaine et de l’ardente passion de l’ambition, que de désirer que