Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 3.djvu/251

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Rien n’est donc plus pressant que de prendre toutes les mesures quelconques qui tendraient à disséminer les pouvoirs, à ôter aux grands chefs l’influence alarmante dont ils jouissent et au moyen de laquelle ils mènent une populace aveugle (les noirs) et toujours prête à seconder les vues d’ambition des intrigans. Il est donc de toute urgence d’amener un changement total dans les esprits, changement qui ne pourra s’effectuer que lorsque la force armée sera divisée en plusieurs portions commandées par autant de chefs. La dissolution de la légion et sa réorganisation en demi-brigades, régimens ou même bataillons séparés, deviennent indispensables.

Je ne me cache pas que cette population exige une politique et une prudence consommées ; mais j’espère que par les moyens que je prendrai, j’y réussirai sans choc violent, et je vous demande l’autorisation de procédera cette nouvelle organisation, du moment que je verrai jour à pouvoir le faire avec succès.


Or, l’autorisation demandée fut envoyée à Desfourneaux ; mais ce que ni Laveaux, ni Sonthonax ni toute l’agence ne pouvaient lui envoyer, c’étaient la politique et la prudence consommées, c’étaient la considération et l’estime indispensables à tout homme qui conçoit de pareils desseins ; c’était encore le relief, le prestige que donnent des succès militaires, antérieurs à leur réalisation. Comme militaire, le général Desfourneaux était connu aux Cayes, pour s’être laissé battre par les noirs insurgés sous Jean François, Biassou et T. Louverture, en deux circonstances : l’une, du côté du Fort-Liberté, l’autre, à Saint-Michel de l’Atalaya, en 1792 et 1793 : il y était encore connu pour son affaire avec Montbrun, le 17-18 mars 1794. Va-t-il être plus heureux sous ce rapport dans le Sud ? Bientôt nous parlerons de son attaque contre le camp Raimond, dans les montagnes du Plymouth.

En parlant de l’autorité immense qu’exerçait André Rigaud, Desfourneaux prouvait qu’il ignorait les traditions du pays. Le gouvernement de cette colonie fut-il