Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 3.djvu/294

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Rigaud prenait le parti d’abandonner ses fonctions, le département se trouverait exposé à une subversion totale, par la retraite d’un chef investi de la confiance publique et qui seul est capable de contenir la portion du peuple la moins éclairée : portion qui pourrait se porter aux plus terribles égaremens, dès que ce chef cesserait de la commander ;

Considérant que l’article de la proclamation qui défend le paiement d’aucunes dépenses anciennes et nouvelles, sans que les ordonnances aient été visées par l’agent de la comptabilité séant au Cap, est impraticable, tant à cause de l’éloignement qu’à l’obstruction des voies de communication qui sont occupées par l’ennemi ; qu’une des suites nécessaires de cette mesure serait d’affamer ce département, de le priver de toute espèce de munitions de guerre, et par là l’exposer à l’invasion de l’ennemi en cas d’attaque ;

Considérant que les dangers de la mer et de la guerre, et les exemples de ceux qui viennent d’en être victimes (par la capture de Pinchinat, etc.), doivent empêcher la majeure partie des citoyens de profiter de la retraite que la proclamation semble leur présenter dans les pays neutres ou alliés ; qu’un plus grand nombre encore doit en être empêché par le défaut absolu de moyens et par la crainte du sort affreux qui les attend chez des nations étrangères, où privés de tous secours, ils verraient périr leurs femmes et leurs enfans, et périraient eux-mêmes, entourés des besoins de première nécessité ;

Considérant qu’étant obligés, par ce motif, de rester dans leurs foyers, le premier de leurs soins doit être d’assurer leur conservation ;

Considérant que depuis que le général Rigaud a pris le commandement, il à conservé le département du Sud contre les entreprises de l’ennemi ; qu’il a repris les postes qui nous avaient été enlevés, et qu’il y aurait le plus grand danger à perdre ce chef, au commandement duquel les soldats sont accoutumés et qui est d’autant plus nécessaire, qu’on a des avis certains que, dans ce moment, les Anglais arment au Môle contre les parties de la colonie restées françaises ;

Considérant que depuis les malheureux événemens qui sont arrivés aux Cayes en fructidor dernier, le général Rigaud n’a cessé d’employer tous les moyens qui étaient en lui pour rétablir et entretenir l’ordre et la tranquillité ; que par ses soins l’agriculture se vivifie de jour en jour, le commerce reprend son cours, et les finances leur activité ;

Considérant que le peuple ne doit pas être la victime du laps de temps qui s’écoulera jusqu’à la décision qui est renvoyée au Directoire exécutif et au Corps législatif ; qu’à cet effet, il paraît convenable que just-