Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 3.djvu/324

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soit la puissance destinée à posséder Saint-Domingue, elle s’estimera heureuse d’y trouver le noyau d’une colonie contre laquelle tant de coups ont été dirigés, et les conservateurs auront seuls raison.

N’attendez pas que la guerre s’allume dans les lieux où vous commandez : vous connaissez ses ravages. Ils entraîneraient infailliblement la destruction de ce que vous avez conservé, et le hideux en retomberait sur vous.

Je ne vous propose aucun parti : vous êtes grand et sage. Je vous envoie un ouvrage imprimé vers la fin de l’année dernière, sous les yeux du directoire français ; lisez-le avec attention : cette lecture fixera votre opinion sur tout ce qui a trait à la colonie. Je désire que vos réflexions se rencontrent avec les miennes.

Si vous êtes jaloux de répondre à mon ouverture, j’en serai enchanté. Cela pourrait nous mener, sans compromettre notre honneur, à quelque chose d’utile à la colonie. Je suis autorisé à cette démarche par mes chefs ; le désir de concourir à la restauration de mon pays me l’a fait entreprendre. Par le moyen de mes bâtimens armés vous pourrez correspondre avec moi par les barges de Léogane. Je ne vous indiquerai aucun moyen d’exécution. Peut-être ne les auriez-vous pas ; mais mes bâtimens me les donnent. Celui qui protège le parlementaire chargé de la présente, reparaîtra cinq jours après son arrivée devant le Petit-Goave. Alors, à un signal, qui sera pavillon national devant, et anglais derrière, vous pourrez le renvoyer. Votre loyauté m’est garante de sa sûreté. Son équipage est de deux hommes.

Faites tout pour la perfection de votre ouvrage ; la conservation, c’est votre apanage ; ne souffrez pas qu’on le souille. Je ne puis m’étendre davantage. Il me suffit : j’ai commencé, continuez ; et si vous le désirez, nous nous expliquerons ouvertement. (Signé) J. B. Lapointe.


Telle fut la lettre captieuse adressée à Rigaud, par le traître qui avait livré l’Arcahaie à la Grande-Bretagne, rétabli le plus dur esclavage contre les noirs, assassiné de sa propre main des hommes de couleur, les uns et les autres ses frères. Elle fut apportée au Petit-Goave par le major Ango ; et la corvette anglaise qui le protégeait y était commandée par un ancien officier de la marine française, émigré, du nom de Du-Petit-Thouars, colon du Nord,