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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 3.djvu/329

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D’ailleurs, Rigaud, fils d’une négresse, ne pouvait avoir aucun sentiment de répulsion pour T. Louverture, nègre lui-même, lorsque son frère Joseph Rigaud était aussi un nègre. Le mulâtre ne peut pas haïr le nègre, non plus que celui-ci ne peut le haïr : des différends peuvent exister entre eux, comme il en existe entre les blancs ; mais ce n’est pas à cause de leur couleur ni de leur origine  : elles sont semblables[1].

C’est probablement alors que Rigaud sentit la nécessité de publier son mémoire, qui parut trois semaines après sa réponse à Lapointe. Celle-ci est du 17 juillet, le mémoire est du 18 thermidor (5 août).

Ce document, rédigé en réfutation des écrits calomnieux contre les hommes de couleur de Saint-Domingue, présente un résumé succint de tous les faits révolutionnaires, depuis 1789 jusqu’aux derniers événemens produits par les procédés de l’agence et la mission de sa délégation aux Cayes. Il rappelle la perfidie des colons à toutes les époques, contre les hommes de couleur et les noirs, et la conduite de ceux-ci : nous en avons cité assez de passages pour faire comprendre l’esprit dans lequel il fut écrit. Mais en évoquant la grande ombre de Polvérel, il ne dissimula pas le peu d’estime que lui inspirait Sonthonax, dont la conduite fut toujours si différente de celle de son collègue.

« Ombre de Polvérel, dit-il, de quel œil vois-tu aujourd’hui l’accusation injuste que de lâches ennemis intentent contre les hommes de couleur ? Craindrais-tu qu’on pût

  1. Le système colonial des Européens a bien pu, a dû même imaginer ces idées absurdes pour mieux asservir la race noire ; mais c’est aux deux branches ; de cette race à se prémunir contre ces distinctions, afin de ne pas faire des sottises qui nuiraient à leurs destinées.