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et entourée d’un large fossé. Vaincu, il fit sa retraite sur le Port-au-Prince avec une partie de sa troupe. De nombreux prisonniers tombèrent entre les mains des assaillans : parmi eux, on distinguait Labuissonnière, Marcelin Lemaire, M. Lamartinière, trois mulâtres : Sanlecque, Davezac, Tiby, trois blancs. Agissant sans pitié envers eux, à cause de leur trahison en novembre 1793, Rigaud les fit juger immédiatement par une commission militaire, qui les condamna à la peine de mort décrétée par les lois de la convention nationale. Il les fit exécuter, comme Laveaux avait fait à l’égard des traîtres tombés dans le Nord en son pouvoir. Les autres prisonniers anglais furent envoyés dans les prisons du Sud, à l’exception du curé de Léogane, dont nous ignorons le nom, et de Thiballier, ancien officier des Cayes, qui furent fusillés dans cette ville à leur arrivée.

Il paraît que des femmes de couleur de Léogane, remplissant ce devoir que l’humanité inspire toujours à leur sexe, supplièrent vainement Rigaud de pardonner aux condamnés, de les gagner à la cause de la France par sa générosité : ils étaient tous des premières familles de Léogane. Rigaud se montra inflexible, comme la loi. Il ne comprit pas, peut-être, qu’en révolution, il faut savoir user d’indulgence envers les hommes égarés par leurs opinions politiques, lesquelles peuvent changer avec les circonstances ; il ne comprit pas qu’en guerre civile, ce sont des frères qui se combattent pour faire prévaloir une idée, un système. Certainement, son excuse aux yeux de la postérité, c’est que le système soutenu par les vaincus était contraire à la liberté générale. Mais cette cause même, celle de la France à Saint-Domingue, ne pouvaient-elles pas gagner au pardon de ces hommes, en démontrant