Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 3.djvu/345

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rez de prendre définitivement à l’égard de ce prisonnier, que je provoquerai de la commission un arrêté qui fixe son sort. Je vous envoie un arrêté relatif à l’arrestation de ce général. Il ne sera pris aucune autre détermination à son sujet, avant votre réponse. »

C’est ainsi que Sonthonax, avocat, comprenait la justice. Villatte, selon lui, avait été heureux de n’être pas jugé par un conseil de guerre, et d’être déporté en France : Pierre Michel est fort heureux de n’être pas aussi jugé ni déporté, et d’être détenu dans un fort jusqu’à la paix, sans doute parce que tel était le sort réservé à Desfourneaux, fort heureux lui-même d’être détenu au fort du Port-de-Paix. Et pourquoi ne pas les déporter tous deux en France, puisqu’ils étaient devenus des hommes dangereux pour la colonie ? Cette mesure eût été plus douce, en les mettant à l’abri des passions qui naissent dans les troubles politiques. Lorsque déjà un général mulâtre y avait été déporté, éloigner également un général blanc et un général noir, c’eût été prouver son impartialité. Mais, outre que les éloges flatteurs faits de Desfourneaux et de Pierre Michel, par la correspondance de l’agence, eussent été difficiles à détruire en France, par les accusations qui motivèrent leur arrestation, Sonthonax devait redouter ce qu’ils auraient raconté de ses procédés despotiques : il devait craindre aussi que les noirs qu’il flattait par système, eussent été émus de voir embarquer pour la France un des leurs, que l’année précédente il portait aux nues. On voit ensuite qu’il n’était pas trop rassuré sur la manière dont T. Louverture envisagerait cette arrestation, tandis qu’elle servait à souhait le projet qu’il méditait en ce moment, en désaffectionnant entièrement les noirs pour Sonthonax, si tant est qu’ils lui portèrent plus d’atta-