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Un dernier mot sur Sonthonax, envers qui nous avons été si sévère dans nos appréciations.

Dans notre deuxième livre, nous avons fait voir tout ce que son caractère emporté, quelquefois violent, renfermait de passions déplorables pour un esprit aussi distingué, aussi ferme, aussi courageux. C’est à ces passions, qu’il ne sut pas, ou qu’il ne put pas maîtriser, que nous attribuons sincèrement toutes ses erreurs, toutes ses fautes, tous ses torts ; car à nos yeux, il ne péchait pas par le cœur. Il s’égara, comme bien d’autres, en pensant que le système politique prêché par Machiavel était le meilleur à suivre. Dans ses deux missions, il a exercé un grand pouvoir, une autorité immense, dictatoriale, et cependant il n’en a pas mésusé pour faire personnellement verser le sang des hommes qu’il poursuivit à outrance. Sans doute, la conduite qu’il a tenue a été cause que beaucoup de sang a été versé par la suite ; mais nous croyons qu’il n’en avait pas l’intention, nous osons croire qu’il n’entrevit pas ce funeste résultat.

Il était essentiellement despote, et d’autant plus, comme l’a observé Garran dans son rapport, qu’il avait une haute idée de l’étendue de son pouvoir. Sa grande capacité, ses lumières, le rendirent présomptueux : quand il concevait une idée, un plan, il fallait qu’on lui cédât ; sinon il employait tous les moyens pour se faire obéir. Agissant sur un théâtre où l’immense majorité des spectateurs était dans

    propre à faire connaître le triste rôle qu’il a joué dans cette agence : ce rôle a été celui d’un niais et d’un pusillanime qui, pour se justifier, accusa tous ses collègues, et surtout Sonthonax. S’il fallait s’en rapporter à tout ce qu’il dit, la conduite des agens aurait été celle d’intrigans déhontés (Giraud excepté), faisant bon marché de toute cette population coloniale, sur laquelle le Directoire exécutif leur donna tant d’autorité. On y démêle néanmoins comment T. Louverture s’est joué d’eux tous, comment ils ont été dupes de son hypocrisie.