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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 3.djvu/416

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suivre et lui inspirer une haute idée des vertus de T. Louverture, sans lui déguiser ses défauts.

« Les forces qui vous manquent, lui disait-il, vous les trouverez dans votre union intime avec le général T. Louverture. C’est un homme d’un grand sens, dont l’attachement à la France ne peut être douteux[1], dont la religion garantit la moralité, dont la fermeté égale la prudence, qui jouit de la confiance de toutes les couleurs, et qui a sur la sienne un ascendant qu’aucun contrepoids ne peut balancer. Avec lui, vous pouvez tout : sans lui, vous ne pouvez rien. Vous arrivez dans un pays dont les habitans sont bien éloignés du dernier terme de la civilisation. Le fétichisme fut de tout temps et est encore la religion des Africains. Ici, plus qu’ailleurs, l’enthousiasme pour le chef est le nerf de l’autorité ; et la loi, pour être respectée, a besoin du crédit de l’homme chargé de son exécution. »

Et Kerverseau a soin d’expliquer comment il était arrivé à avoir une si haute opinion de T. Louverture : « J’avais été frappé, dit-il, d’un mot de Sonthonax qui se connaissait en hommes, et qui, plus que personne, avait été à portée de l’apprécier. — Tous les noirs, me dit-il un jour, courent après les grades pour se procurer en abondance du tafia, de l’argent et des femmes. Toussaint est le seul qui ait une ambition raisonnée et quelque idée de l’amour de la gloire. »

Pour le dire en passant, Sonthonax, qui affectait une si grande prédilection pour les noirs, avait une singulière opinion à leur égard : dans sa première mission, il les croyait tous bêtes, et voyez ce qu’il disait d’eux dans la

  1. T. Louverture a prouvé cette assertion, par son attachement aux colons dont on voulait rétablir la prépondérance. Il a été constamment fidèle à la France, tout en ayant l’ambition de gouverner seul la colonie.