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départ de Saint-Domingue, même pendant qu’il était encore dans la rade du Cap.

Cet agent s’était embarqué le 23 octobre, à dix heures du matin. T. Louverture ne tarda pas à entrer au Cap avec le 4e régiment et les généraux qui l’assistaient. Sa puissance d’opinion sur les masses de cultivateurs qu’il avait fait ameuter, les empêcha d’y pénétrer. Il se rendit à la municipalité, pour l’inviter à prendre les mesures d’ordre que commandait la circonstance ; il lui adressa une lettre à cet effet qui fut imprimée et publiée. Ensuite, il fit chanter le Te-Deum indispensable, auquel toute la population du Cap assista, pour louer Dieu, le remercier de l’avoir préservée des malheurs dont l’agent, par ses fautes, allait l’accabler, et dont le général en chef l’avait garantie, après Dieu[1].

T. Louverture affecta alors de paraître dégoûté des affaires et de l’autorité ; il parla de la demande de retraite qu’il avait envoyée au Directoire exécutif par son secrétaire Guybre. Mais, les fonctionnaires publics, les citoyens le conjurèrent, le supplièrent de rester à son poste. Plusieurs, cependant, adressèrent secrètement à Hédouville des lettres qui exprimaient leurs craintes, et leurs sentimens de dévouement à la France et à son agent. César Thélémaque, entre autres, lui témoigna tout son regret de ne pouvoir le suivre en France où il avait résidé longtemps, avant de venir à Saint-Domingue. Ce noir, si respectable par ses qualités morales, pensait alors à passer dans le Sud auprès de Rigaud. Sa destinée était d’être apprécié plus tard, estimé, honoré, aimé par Pétion.

  1. On pourrait, ce nous semble, appliquer aux Te-Deum de T. Louverture, ce que le dictionnaire de Boisle dit à propos de ce chant de l’Eglise catholique : — « Nous avons souvent chanté des Te-Deum que bien des mères traduisaient « en De profundis.  »