Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 4.djvu/176

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priétaires de Saint-Domingue, à l’effet de les réintégrer dans leurs propriétés. Si la prise de possession de la partie ci-devant espagnole s’était déjà effectuée, elle deviendrait le bonheur des propriétaires français qui s’y sont réfugiés. Mes ennemis auraient beau cherché à me calomnier ; ils continueraient de le faire, que je ferais dans tous les temps tout ce qui dépendrait de moi pour être favorable aux propriétaires, et pour faire lever le séquestre de dessus leurs propriétés ; et je croirais d’autant moins faire le mal, que c’est justice de rendre à César ce qui appartient à César.

Depuis quelque temps, j’ai remarqué avec peine que des pères et mères de familles sont absens de leurs biens abandonnés, sans moyens, errans dans un pays étranger. L’humanité et la sensibilité ont toujours eu des droits sur mon cœur, et je n’ai jamais pu être insensible à l’infortune de tant de malheureux. C’est pourquoi je désire depuis longtemps les voir sur leurs propriétés.

Prenez donc toutes les mesures qui dépendront de vous pour remplir votre mission : rendez-moi compte, à cet égard, de vos plus petites opérations ; et pour que vos lettres ne puissent éprouver aucun retard, envoyez-les directement au Port-Républicain.

Comme je n’ai reçu encore aucune lettre de monsieur le Président, mandez-moi le plus promptement possible à quoi vous en êtes de votre mission. Je ne puis trop vous recommander de ne rien déranger dans les usages des Espagnols ; laissez-les tels qu’ils sont ; au contraire, loin de les inquiéter par un nouvel ordre de choses, employez tous vos moyens de prudence et de sagesse pour qu’ils soient protégés dans leurs habitudes. Vous connaissez ma manière de voir à ce sujet. Cette partie continuera d’être traitée et gouvernée comme par le passé, ne pouvant l’être comme la partie française. Il appartient à votre prudence de la gouverner sagement. Nous avons souvent causé ensemble sur la mauvaise manière dont la liberté générale a été donnée à la partie française, et combien il importait d’être sage pour la faire régner dans cette partie, sans secousse ; il ne faut donc rien changer au système qui existe. Vous me demanderez seulement la garnison qui vous sera nécessaire.

J’ai fait partir dernièrement pour Santo-Domingo des troupes d’Europe : il reste à Jacmel le bataillon des troupes blanches[1]

  1. Il n’y eut que 60 Européens envoyés à Santo-Domingo.