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moins qualifié ces ordres comme barbares [1]. Dans sa lutte contre T. Louverture, Rigaud faisait une guerre civile, de frères contre frères ; il fut d’autant moins excusable d’avoir donné cet ordre, qu’il frappait les propriétés de ses propres partisans.

La conscience publique exige que de tels actes soient blâmés ; car un chef ne peut jamais avoir une toute-puissance dévastatrice : celle qu’il exerce pour le peuple est dans l’intérêt de sa conservation.

Le bourg de Baynet fut incendié à la fin d’avril. Celui du Grand-Goave le fut aussi, le 1er mai, dans l’évacuation de ce lieu. Ce jour-là, dans un combat de la montagne où il signala sa bravoure accoutumée, le colonel R. Desruisseaux reçut une blessure mortelle à la tête : emporté par ses soldats, il mourut au Petit-Goave où il fut enterré au pied de l’arbre de la liberté ; ses compagnons d’armes lui rendirent les honneurs funèbres dus à son mérite. Le 2 mai, cette ville dut être aussi évacuée, et fut également incendiée.

Talonné par Dessalines, Pétion le combattit pied à pied jusqu’au Pont-de-Miragoane, où il se retrancha un moment pour offrir une nouvelle résistance. Forcé d’évacuer ce point et Miragoane même, ce bourg fut encore livré aux flammes : il se porta à l’Anse-à-Veau, tandis que Rigaud combattait à Saint-Michel. La route étant interceptée, Pétion n’avait pu le rejoindre. Rigaud combattit encore sur les habitations Cadillac et Dufrétey.

De tous côtés, la défection gagnait les esprits. Les municipalités, composées en grande partie des blancs, soufflaient une soumission anticipée aux vainqueurs. Cet état

  1. Voyez le chapitre X. du 1er livre.