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mission, suivie par Laveaux et Perroud, adoptée par le Directoire exécutif, mise en pleine exécution par Sonthonax à son retour dans la colonie, continuée par Hédouville, et surtout par Roume, exécuteur final de ce plan machiavélique.

Dans la position où se trouvait Rigaud, en juillet 1800, se soumettre à ce dernier agent et à T. Louverture, c’eût été de sa part une bassesse impardonnable ; et Rigaud avait trop de fierté, d’orgueil si l’on veut (l’orgueil est méritoire dans un tel cas), pour en commettre une semblable. Il brisa, et il devait briser cette vaillante épée[1] qui avait enlevé Léogane et Tiburon aux mains des Anglais, qui s’était montrée étincelante dans d’autres combats contre eux.

Il faut que la patrie ait un empire bien grand sur le cœur de l’homme, pour que Rigaud ait persévéré dans son attachement à la France ; car elle n’était plus digne de son amour, de son admiration. Son gouvernement d’alors, comme tous ses prédécesseurs, entrant dans la dernière période des injustices qui devaient lui faire perdre Saint-Domingue, la France en devenait responsable, puisque les gouvernemens sont nécessairement identifiés avec leurs pays.

Car, remarquons-le, la France ne fut libérale, équitable, juste enfin envers les hommes de la race noire, que lorsque la grande voix du Peuple français se faisait entendre, dans l’assemblée législative, par l’organe de Brissot et

  1. « Rigaud,… que la politique du Directoire ne sut pas comprendre, comme elle ne sut pas deviner son rival ; Rigaud… resté jusqu’au dernier moment, fidèle à la métropole, dont la politique imbécile le forçait à briser sa vaillante épée… » (M. Lepelletier de Saint-Rémy, t, 1er p. 277.)

    Imbécile et perverse, tel fut le caractère de cette politique.