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alla occuper une des grandes maisons des Cayes, connue sous le nom de Journu. Ayant montré de l’étonnement, de ce que les blancs, leurs femmes et les noirs, seuls, venaient le saluer, les hommes de couleur allèrent aussi et furent accueillis avec beaucoup de bienveillance par lui. Nous verrons dans un autre livre ce qui advint à la plupart d’entre eux.

Les habitans des Cayes, au nombre de 52, firent une adresse adulatrice à T. Louverture, contenant par contre les injures les plus infâmes contre Rigaud : elle porte la date du 5 août.

Le même jour, le général en chef publia une proclamation adressée à tous les habitans de Saint-Domingue. La voici :

Citoyens,

Tous les événemens survenus à Saint-Domingue pendant la guerre civile occasionnée par Rigaud, sont de nature à mériter l’attention publique.

Alors qu’ils ne sont plus sur le point d’être renouvelés, il importe à la prospérité de la colonie et au bonheur de ses habitans, de tirer le rideau sur le passé, pour ne plus s’occuper qu’à réparer les maux qui ont dû nécessairement être le résultat de la guerre intestine enfantée par l’orgueil et l’ambition d’un seul. Une grande partie des citoyens de Saint-Domingue ont été trompés, parce que, trop crédules, ils ne se sont pas assez méfiés des pièges que les méchans leur tendaient pour les attirer dans leurs desseins criminels. D’autres ont agi dans ces malheureuses circonstances d’après l’impulsion de leur cœur. Mus par les mêmes principes que le chef de la révolte, ils ont trouvé au-dessous d’eux, d’être commandes par un noir. Il fallait s’en défaire à tel prix que ce fût, et pour y parvenir rien ne leur coûtait. L’ambition de ce chef le portait à s’emparer du pays. Ses satellites n’avaient rien tant à cœur que de le seconder. Pour leur récompense, on leur avait assigné en avance les places qu’ils devaient occuper. Ces hommes avaient le besoin d’un plus fin stimulant.

Trompés dans leur attente, et en ma qualité de Vainqueur, voulant et désirant très-ardemment faire le bonheur de mon pays ; pénétré de