Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 4.djvu/226

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son adversaire ; mais, tandis qu’il s’adressait à lui, cet agent le dénonçait, à la colonie et à la métropole, comme ayant tous les torts.

Rigaud peut-il ne pas accepter la guerre à laquelle on le provoque avec tant de perfidie ? Son droit comme homme, comme citoyen et militaire, est de résister ; son devoir comme chef politique est de ne pas reculer devant cette cruelle nécessité. En présence des préparatifs formidables de son ennemi, la prudence devait lui conseiller de le prévenir, en s’emparant des territoires qu’il avait abandonnés volontairement par désir de la paix, parce que leur possession pouvait mieux garantir la défense du département du Sud menacé de l’invasion. Ce n’est pas lui qui effectue cette prise de possession, c’est un de ses officiers : n’importe, le mouvement offensif est intelligent, il est dans la nécessité de la défense, et il obtient l’approbation de Rigaud.

Dès-lors celui-ci passe pour agresseur, parce que son adversaire de mauvaise foi eût voulu qu’il restât dans la position où il aurait pu être plus facilement vaincu. Mais, il ne devait pas s’arrêter à ce résultat incomplet ; il devait pousser ses troupes en avant, pour conquérir l’opinion par une attitude plus résolue, en entraînant dans sa cause le second chef de son parti qui, jusque-là, a gardé une neutralité inintelligente. Loin de faire ce que sa position lui commandait impérieusement, il s’arrête par une inintelligence aussi funeste au succès de sa cause.

T. Louverture, qui comprend mieux la situation qu’il s’est faite, agissant avec plus de résolution et d’énergie, tire parti de la faute politique et militaire de son adversaire, et dirige contre lui des forces supérieures aux siennes. Toutefois, les premiers combats qui se livrent entre eux