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tations de leurs anciens maîtres, devenus plus arrogans depuis la fin de la guerre civile du Sud ; étant de plus contraints au travail par la flagellation, mais reconnaissant, d’un autre côté, qu’on accordait toutes les faveurs aux propriétaires, ils imaginèrent de se rendre eux-mêmes propriétaires aussi, en espérant que la loi de l’égalité leur assurerait les mêmes avantages, puisqu’on disait qu’ils étaient libres et qu’ils savaient qu’ils l’étaient effectivement, et par le droit naturel et par la proclamation de la liberté générale. Ne pouvant, la plupart, avoir assez d’argent pour atteindre leur but, ils s’associaient en réunissant leur petit pécule. Loin de favoriser cette tendance de la population noire, T. Louverture l’arrêta tout-à-coup : il découvrit l’ingénieux moyen employé par ses frères pour se soustraire au châtiment corporel, à toutes les vexations de ce temps barbare, et il l’entrava, en rendant ses complices et lui, juges de ce louable désir d’acquérir ce qui constitue pour l’homme la vraie liberté, — la propriété, — par l’indépendance qu’elle lui procure dans la société.

Sont-ce là le fait d’un administrateur bienveillant, le droit d’un gouvernement juste et équitable ?

M. Madiou, ne trouvant pas la pensée de T. Louverture assez clairement formulée, ajoute à ses motifs, en disant : « Il avait remarqué que deux, trois ou un plus grand nombre de cultivateurs s’associaient pour acheter quelques carreaux de terre sur lesquels ils se retiraient, se livrant à la paresse ; il en était résulté un dépérissement général dans les cultures[1]. »

Cette accusation de paresse portée par cet auteur, contre les cultivateurs associés, ne se trouve pas dans l’arrêté du

  1. Histoire d’Haïti, t. 2. p. 88.