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des craintes qu’ils éprouvaient justement, depuis l’épouvantable cri de mort poussé en chaire par T. Louverture contre leur classe ? Agissant toujours de concert avec ce philosophe, voulait-il augmenter le nombre des victimes qui allaient être bientôt sacrifiées ?… Cette menace de dénonciation ne peut étonner de la part de l’agent qui avait déjà dénoncé Rigaud, comme proscrivant les blancs dans le Sud : aujourd’hui, il s’agissait de le dénoncer pour avoir accordé asile à ceux de sa classe qui fuyaient la terreur. À Santo-Domingo, en 1796, Roume n’avait-il pas accueilli et protégé les blancs qui sortirent des Cayes, parce qu’ils craignaient pour leurs jours ? Comment donc la même action peut être méritoire quand elle est l’œuvre d’un blanc, et condamnable quand elle est celle d’un mulâtre ? Les blancs sortis du Sud ont pu être protégés, les mulâtres sortis de l’Ouest ne devraient pas l’être !…

Et c’est Roume, c’est cet agent du Directoire exécutif, que des historiens haïtiens représentent comme regrettant ce qui se passait sous ses yeux ! Oublie-t-on qu’il signa, avec Mirbeck et Saint-Léger, la lettre du 8 janvier 1792 adressée aux confédérés de la Croix-des-Bouquets et du Fond-des-Nègres, où cette commission civile, livrée à la libre appréciation des événemens, disait des hommes de couleur placés sous l’empire du décret du 24 septembre 1791 : « Ne les exposez-vous pas, même à perdre l’état dont ils jouissaient sous l’ancien régime ? La France entière les protégeait et ne voyait en eux que les victimes d’un préjugé ; elle ne les verra plus que comme des ingrats dont l’audace doit armer son bras vengeur.  »

Le temps était arrivé pour frapper ces ingrats ![1]

  1. En lisant toute la législation coloniale, nous avons eu lieu d’être étonné de