Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 4.djvu/491

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qui, pour se soustraire aux caprices des colons, aux rigueurs des chefs militaires, avaient imaginé de se créer, d’acquérir de petites propriétés rurales pour jouir des faveurs accordées aux propriétaires. Reconnaissant leur but, T. Louverture entrave cette louable intention pour mieux les tenir sous le joug de son système.

Comme une conséquence naturelle d’une injustice aussi criante, il fait un appel aux Français d’Europe, à tous les blancs qui voudraient venir dans la colonie, pour y former des établissemens agricoles ; à eux, il offre des concessions gratuites de terres inoccupées, tandis qu’il vient d’interdire aux noirs d’acquérir légitimement par leurs deniers.

Revenant alors dans l’ancienne partie française de Saint-Domingue, il installe son assemblée constituante, composée de colons, d’hommes qu’il a fait nommer pour ne rencontrer aucune opposition à ses vues. Bientôt leur œuvre principale est achevée : la constitution coloniale sort de leurs travaux. En en considérant toute l’économie, on voit facilement qu’elle n’est que le résultat des vues constantes des colons depuis 1789, de régir Saint-Domingue indépendamment des lois de la métropole, de statuer seuls sur son régime intérieur, tout en conservant à la France un haut patronage, un protectorat, enfin la souveraineté extérieure sur sa colonie. Aussi, l’une des principales dispositions de cet acte est-elle le recrutement des ateliers agricoles, par la traite des noirs d’Afrique. Les colons et T. Louverture veulent ainsi augmenter la population, par des hommes abrutis par la barbarie où est plongé leur pays natal, afin de tuer la liberté à Saint-Domingue. Le despotisme de T. Louverture sent qu’il a besoin de cet auxiliaire.

Son égoïsme le porte à condescendre à tout ce que dé-