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ces deux rivaux, à la fin de mai, après la lettre de T. Louverture à Rigaud, et celle de ce dernier à Roume.


Il est sans doute utile de remonter aux antécédens de T. Louverture, pour bien juger des sentimens qui l’animaient en ce moment-là. Un homme, quel qu’il soit, quelle que soit sa position sociale, ne renonce pas volontiers à son passé : tout se lie dans sa vie, comme la vie d’un peuple n’est qu’une suite des événemens qui lui ont donné naissance.

Eh bien ! que nous offre la conduite de T. Louverture ? En 1791, il était l’esclave d’un colon et le favori d’un autre. Agissant sous l’impulsion de ce dernier et du chef du gouvernement colonial, il organisa la révolte des noirs du Nord pour opérer la contre-révolution à Saint-Domingue, dans l’intérêt du pouvoir royal. Toutefois, il ne prit part à la révolte que lorsque les premiers succès des noirs l’eurent assurée. Il y devint d’autant plus influent, qu’il était le seul lettré parmi eux, et le seul capable de combinaisons politiques. Il usa de son influence pour porter les chefs principaux de cette armée à consentir à replacer les masses sous la verge coloniale, pourvu que l’affranchissement des supérieurs leur fût garanti ; et en cela, il suivait le plan dressé par les blancs contre-révolutionnaires. Biassou et Jean François voulaient porter le nombre de ces affranchissemens à 300 ; il le fit réduire à 50, par un sentiment d’égoïsme et pour mieux faciliter l’arrangement. Les colons opposés aux contre révolutionnaires s’y refusant, la révolte continua. D’accord avec le gouvernement royal de France, l’Espagne la prit sous sa protection, la fomenta de plus en plus, dans l’intérêt de la contre-révolution ; et T. Louverture, dont l’esprit mo-